Kamal Baba, le prodige de la customisation à Essaouira
Une rencontre inopinée nous amène à découvrir aujourd'hui un artiste hors pair installé à Essaouira. Kamal Baba ne s'exprime pas sur une toile blanche, mais il dévoile son univers dans des collections de vêtements inspirées et uniques. Partons à la rencontre de ce prodige de la customisation, qui signera à coup sûr votre prochain coup de coeur !
Portrait d'Essaouira : Baba Kamal
Le portrait
Essaouira est un aimant qui attire en son seing des artistes de tous horizons. Certains font la démarche délibérée de venir s'y installer, d'autres suivent simplement leur destinée.
Baba Kamal fait partie de ce deuxième cas. Il arrive à Essaouira à 7 ans, quittant sa campagne adorée, il rejoint la ville avec sa famille pour les études de sa grande sœur.
L'école, ce n'est pas son truc. Il travaille alors assez tôt dans les boutiques de la médina où il vend tout type d'objets, bien souvent des babouches.
Artiste, il l'est devenu « par hasard » ! C'est en rêve qu'il visualise cette destinée, et au matin, s'armant d'un crayon et d'un cahier, il dessine ses premiers personnages. La réaction de ses voisins l'encourage à persévérer, à travailler son style.
Peindre sur des vêtements ou des objets, c'est aussi par un concours de circonstances que lui vient l'idée, mais c'est dans ce savoir-faire qu'il se réalise. Et ça marche !
Lorsque Baba Kamal voit un objet, l'inspiration arrive et il commence à créer. Une première ligne de baskets et de vêtements s'est écoulée comme des petits pains. On trouve encore quelques pièces à la Galerie La Kasbah dans la médina d'Essaouira, mais il développe aujourd'hui une nouvelle collection qu'il mettra en vente très bientôt dans sa petite boutique derrière l'Heure Bleue Palais.
Sa nouvelle ambition : travailler avec des professionnels qui commercialiseront ses créations dans leurs boutiques ou sur internet. Son travail remporte un grand succès à l'étranger, grâce aux visiteurs de passage à Essaouira qui découvrent sa galerie. Tous ses clients sont étonnés de savoir que les customisations sont réalisées à la main, et non par une machine calibrée. Il faut reconnaître que Baba Kamal a le soucis du détail, et que les histoires qu'il raconte ont pour lui de l'importance.
Pour mettre en valeur ses nouvelles créations, Baba a décidé de ne travailler que sur des produits originaux et de laisser les contrefaçons pour les souks ! Ses réalisations auront une durée de vie plus longue, et il ne veut offrir à ses acquéreurs que de la qualité.
Les œuvres de Baba Kamal peuvent être réalisées sur commande, pour s'assurer d'avoir le vêtement parfaitement adapté à votre morphologie. Reconnaissons que ce serait dommage d'acquérir une oeuvre d'art destinée à vivre sur votre silhouette, mais de devoir la laisser au placard car vous ne rentrez pas dans les formats pré-établis par le marché !
Même si aujourd'hui Baba Kamal a délaissé les tableaux au profit de la mode vestimentaire, gageons qu'il y reviendra un jour pour exposer dans l'une des nombreuses galeries d'Essaouira.
La boutique de Baba Kamal rouvrira ses portes mi-décembre 2016 avec une nouvelle ligne de vêtements inspirée de son univers unique et exalté.
Ça tombe bien, j'étais justement à la recherche d'une paire de baskets unique que personne d'autre ne porterait. Si vous me cherchez, vous savez donc où me trouver !
L'interview :
→ Pouvez vous vous présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Baba Kamal, j'ai 36 ans et je suis originaire de la région d'Essaouira. Je suis un artiste-peintre tombé dedans par hasard ! Je travaille sur tout type d'objets et de vêtements, à qui je donne la baraka d'Essaouira en les customisant !
→ Dans les grandes lignes, quel est votre parcours professionnel ?
Je n'ai pas fait beaucoup d'études et l'art est arrivé par hasard dans ma vie. Pour tout vous dire, j'ai découvert l'art la première fois que j'ai arrêté l'alcool. Je me demandais ce que j'allais faire de mon temps. J'avais alors quelques propositions de travail, mais rien de très motivant.
Une nuit, j'ai rêvé que je peignais sur le ciel. La première fois, je n'ai pas fait attention à ce que cela pouvait signifier. Mais le rêve est revenu une deuxième fois. Cette fois, je peignais sur des tableaux. La peinture prenait toute la place dès que la nuit arrivait. Au réveil, j'ai pris un cahier et un crayon, et j'ai commencé à dessiner mes premiers personnages.
Je travaillais alors dans une boutique du quartier Chbanate. Ma voisine, c'était Monique Favière, de la Galerie l'Arbre Bleu. Je suis allé lui demander si elle voyait quelque chose dans mes dessins, si j'avais de l'avenir. Mais sa réponse n'était pas celle que j'attendais car elle est restée perplexe et m'a dit qu'elle n'était pas convaincue ! Plutôt que de laisser tomber, j'ai continué à dessiner pour m'améliorer. Sa réaction m'a donné l'envie d'aller plus loin dans mon art.
Je suis ensuite allé voir Rachid, un autre voisin de Chbanate. Il a longuement regardé mon travail et m'a encouragé à aller plus loin, il m'a dit que je devais développer mon style.
J'ai donc décidé de croire en mon rêve et d'améliorer mes créations artistiques.
L'idée de peindre sur des objets et des vêtements est aussi arrivée par hasard ! Je travaillais dans une boutique de babouches et j'avais un stock d'invendus dont je ne savais pas quoi faire. J'ai commencé à peindre dessus et à les customiser. J'ai ensuite essayé sur une paire de baskets personnelle que j'avais sous la main. Un client est entré dans la boutique et a vu mes baskets, il m'a demandé s'il pouvait les acheter. Au début je ne voulais pas les vendre, et puis je me suis dit : « Yallah » !
C'est comme ça que tout est arrivé. J'ai souvent repensé à ce rêve comme un hasard, une destinée, un message qui m'avait été envoyé.
→ Qu’est ce qui vous a donné envie d’exercer votre métier ?
L'art est devenu mon mode d'ex
→ Quelles sont les 3 étapes, ou moments les plus importants ou les plus marquants, dans votre carrière ou votre vie personnelle ?
1) Le rêve que j'ai fait, qui a tout déclenché
2) Le premier tableau que j'ai vendu à une voisine
3) Ce focus que je fais pour Vivre Essaouira ! C'est la première fois que je fais une interview
Personnellement, j'aimerais être célèbre mais sans publicité. Les choses arrivent comme elles le doivent, je ne veux pas les déclencher, c'est le destin qui se réalisera.
→ Depuis combien de temps vivez-vous à Essaouira ?
Je suis né à la campagne. Je suis arrivé à Essaouira à l'âge de 7 ans, parce que mes parents sont venus en ville pour les études de ma sœur. Toute ma famille est installée à Essaouira, c'était donc facile de quitter la campagne pour venir en centre-ville. Mais au fond de moi, je préfère toujours vivre à la campagne. Le climat et l'air y sont plus sains, on y trouve le calme et la nature. J'aime y retourner.
→ Quels sont vos meilleurs souvenirs à Essaouira ou liés à Essaouira ?
Mon premier souvenir d'Essaouira est mon arrivée en ville pendant l'enfance. Le plus beau, c'est l'ouverture de ma boutique où je vends mes collections.
Et puis il y a des souvenir liés à l'alcool, que je n'oublierai pas. Mes premières fêtes et les filles qui vont avec. Quand j'ai commencé à boire, j'ai ressenti cette euphorie qu'offre la boisson. Même si je sais que c'est un bonheur faussé, galvaudé, je ne peux pas dire que je ne l'ai pas pleinement apprécié.
→ Quel est votre « lieu » préféré à Essaouira ?
Mon petit magasin, Baba Galerie, installé en médina derrière l'Heure Bleue Palais. Je m'y sens chez moi, j'y travaille et j'y vends mes créations, et le business marche plutôt bien ! Lorsque j'ai tout vendu, je ferme boutique et je travaille à la maison, mais j'aime y retourner et rouvrir les portes de la boutique.
→ Que conseillez vous à quelqu’un qui vient visiter la ville d’Essaouira ?
La première chose à faire est d'aller visiter le site Vivre Essaouira ! On y trouve toutes les bonnes infos et les meilleures adresses de la ville.
Sinon, je conseille à tous de se laisser aller et de partir à la découverte de la ville et de ses environs. Il faut tout voir, tout visiter, rencontrer tout le monde. On n'a pas connu une ville si on a vu que ses bons côtés. Même les rencontres désagréables ou les situations incongrues vous apprendront quelque chose sur l'endroit que vous visitez. La vie n'est pas faite que de bons côtés. Il faut aussi découvrir les aspects plus sombres d'un endroit pour dire qu'on le connaît.
→ Un message à faire passer à tous ceux qui vont vous lire ?
Tout d'abord je tiens à remercier mon ami Pascal, qui m'a mis en relation avec Vivre Essaouira et m'a permis de faire cette première interview.
Autrement, je voulais vous dire à tous de continuer à y croire, bientôt ce sera la lumière et le bonheur pour tous, le bien et la justice.
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Découvrez la boutique de Baba Kamal derrière l'Heure Bleue Palais. Réouverture à partir de mi-décembre 2016 pour de nouvelles collections.
Informations et Contacts :
Baba Galerie
Rue Ibn Batouta N°15 – Essaouira Médina
Tel : +212 6 30 53 67 89
Email : [email protected]
Emeline, pour Vivre Essaouira, le 26 novembre 2016
Photos des vêtements : Collectif créateurs Essaouira